الثلاثاء، 5 أبريل 2011

Il etait une fois un vieux couple heureux

Mohammed Khair-Eddine est un mythe de la littérature marocaine. Il est né en 1941 à Tafraout, petite ville berbère au sud du Maroc. Comme jeune écrivain il fréquente le cercle des Amitiés littéraires et artistique de Casablanca. Fondateur du Mouvement "Poésie Toute" en 1964 avec Mostafa Nissaboury. Exil en France en 1965. Ouvrier dans la banlieue parisienne. Publie en France en 1967. Collabore aux "Lettres nouvelles" et à "Présence africaine". Il s'installe de nouveau au Maroc en 1979. Il est mort à Rabat le 18 novembre 1995, jour de la fête de l'Indépendance du Maroc



Dans le paysage littéraire maghrébin de langue française, résonne une voix aussi rude et rocailleuse que ces "lieux où la géologie et la métaphysique se mêlent en de multiples images" dont elle se fait l'écho, à la fois agressive, généreuse, inquiétante et si humaine, celle de Mohamed Khaïr-Eddine. "Parole sauvage" , elle introduit la discordance dans la littérature maghrébine, faisant voler en éclats aussi bien les dogmes littéraires que les valeurs sclérosantes. Enfant terrible de la littérature maghrébine, Khaïr-Eddine y occupe une place marquante et participe à sa vitalité et à son renouvellement. Tôt venu à la littérature, il déclenche avec d'autres ce grand mouvement régénérateur de la production maghrébine, qu'est le mouvement Souffles, en 1966. Avec eux, il apporte un sang neuf à cette littérature jusque là trop astreinte à certaines règles et valeurs artistiques et culturelles.

Ainsi, l'itinéraire de ce fils de commerçants soussi s'inscrit d'emblée dans la marginalité et la contestation. Né à Tafraout, dans le Sud marocain en 1941, Khaïr-Eddine passe une enfance commune à nombre d'enfants berbères, originaires du Sud, terre d'émigration, entre femmes et vieillards et dans l'absence du père, parti chercher fortune dans le Nord. La scolarisation coïncide avec le départ pour Casablanca et l'abandon de la mère et du Sud. C'est aussi la découverte de la littérature. Interrogé sur cette époque de sa vie et sur sa venue à l'écriture, Khaïr-Eddine raconte:

Disons que j'ai commencé à écrire en classe de 5ème secondaire (...). Je publiais dans la Vigie marocaine, il y avait même des professeurs qui m'encourageaient mais la famille était contre (...). J'étais plutôt fort en sciences et en français, nul en arabe, sauf en poésie. J'ai même écrit des tragédies que mon père a vendues à des marchands de cacahuètes qui en ont fait des cornets...

Ceux qui ont connu Khaïr-Eddine à cette époque se souviennent d'un jeune garçon déclamant des poèmes entiers quand il n'en inventait pas déjà lui-même. Entré en littérature malgré l'opposition de son père, Khaïr-Eddine trouve là une nouvelle famille. Ses découvertes et ses rencontres orientent alors sa vie et ouvrent un parcours jalonné par des mots-repères, thèmes majeurs aussi, tels que séisme, exil, retour, errance perpétuelle. Aussi, quatre grandes périodes marquent cet itinéraire de poète errant, ce trajet en pointillé.

En effet, la période 1961-1965 est dominée par le séisme. Tout d'abord celui qui frappe, le 29 février 1960, la ville d'Agadir où Khaïr-Eddine s'installe (1961-1963), abandonnant les études pour l'écriture. Chargé d'enquêter auprès de la population pour le compte de la Sécurité Sociale où il travaille, Khaïr-Eddine met en gestation L'Enquête et Agadir qui paraîtront ultérieurement. Enfin, le jeune poète est à son tour "travaillé" par le séisme dont il fait à travers son oeuvre le symbole majeur de toutes les remises en question et de tous les ébranlements individuels et collectifs. Avec un groupe d'amis dont Nissaboury, il préconise cette révolution dans le domaine de la poésie et la nomme "guérilla linguistique" dans un manifeste intitulé "Poésie toute". Suit une revue, Eaux vives, éphémère mais point de départ d'une carrière poétique puis romanesque qui s'inscrit dès lors dans le grand mouvement littéraire et intellectuel marqué par la naissance de Souffles en 1966. De 1963 à 1965, installé à Casablanca, Khaïr-Eddine produit de façon intense: "L'Enterrement", nouvelle parue dans Preuves en juin 1966, "Nausée noire" (Siècles à Mains, Londres, 1964). Il se lie d'amitié avec ceux qui fondent Souffles, notamment B. Jakobiak et A. Laâbi, compagnons de poésie et de combat. Cette première étape de l'itinéraire de l'écrivain débouche, comme chez nombre d'écrivains de cette époque, sur le départ pour la France (1965), à la rercherche "dans la distance, du seul lien possible" avec la famille et le pays, fuis l'un comme l'autre.

S'ouvre alors une longue période d'exil volontaire de 1965 à 1980, pendant laquelle Khaïr-Eddine mène la vie des "boucs" comme mineur, ouvrier (1965-1966). En témoigne se correspondance avec Laâbi: "J'ai un mauvais travail, je n'ai pas de logement, j'écris au prix de mille souffrances dans les cafés, c'est là que je me terrorise". Khaïr-Eddine publie "Faune détériorée" dans la revue Encres Vives en 1966; le texte est récompensé par le prix "Encres Vives". Il participe aussi à diverses revues dont Dialogues, Les Lettres Nouvelles, Présence Africaine et collabore à Paris à la fondation de Souffles en 1966. En 1967, ses poèmes sont remarqués dans Les Temps Modernes, Le journal des Poètes. Agadir paraît au Seuil et reçoit le prix des "Enfants terribles", fondé par Cocteau. L'Enterrement obtient le prix de la Nouvelle maghrébine. C'est une période féconde: Corps négatif, suivi de Histoire d'un Bon Dieu (1968), Soleil Arachnide (1969), troisième récompense du prix de l'Amitié Franco-Arabe. Moi l'aigre (1970), Le Déterreur (1973), Le Maroc (1975), Une Odeur de mantèque (1976), Une Vie, un rêve, un peuple toujours errants (1978) témoignent de cette fécondité qui donne une oeuvre rivée, malgré l'exil, à la terre marocaine et "sudique".

Parallèlement, Khaïr-Eddine anime pour France-Culture des émissions radiophoniques nocturnes, vit dans le mouvement des idées de Mai 68 et continue à faire des rencontres importantes pour lui: Malraux, Sartre, Beckett, Senghor, Césaire, Damas...

Sa vie sentimentale, pour le moins mouvementée, est marquée par un mariage avec "Annigator", ainsi nommée dans Soleil Arachnide et la naissance d'un fils, Alexandre. Cet équilibre se rompt lorsque Khaïr-Eddine quitte le Midi de la France où il s'était installé et se sépare de sa famille pour la vie tumultueuse de Paris. Là, Khaïr-Eddine reprend son errance, tenaillé par le mal du pays, le manque de ce Sud, qu'en fait il n'a jamais quitté. En 1979, Khaïr-Eddine veut rentrer au Maroc. Ce retour, "opéré sur un coup de tête"[5], sans doute facilité par son ami Senghor, s'effectue en 1980 et donne lieu à l'écriture d'un recueil de poèmes: Résurrection des fleurs sauvages (1981). Ressourcement après des "tribulations de toutes sortes", recherche d'équilibre, ce retour que Khaïr-Eddine explique dans un texte intitulé "Le retour au Maroc" ouvre, selon le poète, un cycle historique avec un récit, Légende et vie d'Agoun'chich (1984) qui scelle ses retrouvailles avec le Sud tant aimé et tant fui.

De 1980 à 1989, à l'exception de ce grand texte, Khaïr-Eddine ne produit rien de marquant. Heureux et enthousiasmé de retrouver sa terre et sa culture, à son arrivée, au fil des ans, le poète mène de nouveau une existence dissolue dans une société où il ne se sent décidément pas à sa place, traînant avec lui son mal de vivre, étranger partout, toujours propulsé vers un ailleurs inaccessible. Khaïr-Eddine sillone le Maroc, ne mettant pas de séparation visible entre voyage réel et voyage intérieur. Ils sont chez lui les deux modalités d'une même recherche, les deux expressions d'un même désir. Pour subsister, il écrit des articles dans divers journaux marocains: Le Message, Le Libéral, L'Opinion, participe à des manifestations culturelles et se prête volontiers à des exhibitions médiatiques, se laisse enfin fêter comme l'un des rares écrivains maghrébins vivant dans son pays. Croisé dans une rue de Casablanca, Rabat ou Tiznit, Khaïr-Eddine n'a alors que le mot partir à la bouche. En 1989, il quitte de nouveau le Maroc pour la France. Il vivrait actuellement à Paris et préparerait une pièce intitulée Les Cerbères, renouant ainsi avec le théâtre, vers lequel l'auteur a toujours été attiré.

Homme d'exil, Khaïr-Eddine est encore une fois reparti vers cet "ailleurs inaccessible", à l'instar de cet ancêtre fondateur de Légende et vie d'Agoun'chich, pris à son tour par cet "amour de l'exil et de l'errance". Ainsi, l'errance perpétuelle domine le parcours inachevé de cet écrivain à l'image du poète-chantre de la tradition maghrébine.

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